Le Col Agnel se découvre

A la porte italienne du Queyras, son secret est bien gardé. Le Queyras… cette région géographiquement un peu fermée, synonyme de grands espaces presque vierges, de la plus haute commune habitée d’Europe, paradis de la randonnée, reconnue aussi bien pour ses curiosités géologiques, son architecture militaire, ses maisons aux sols en « bois debout »… que pour son climat déjà un peu méridional… le Sud n’est pas loin.

En se rendant au Col Agnel, nous traversons des villages typiques, cartes postales bien vivantes des traditions locales ; puis la route se resserre, un hameau, Fontgillarde, et puis plus rien ? La végétation se raréfie, le ruisseau Aigue Agnelle s’étiole, la présence humaine se fait (beaucoup) plus rare.

Au loin, la frontière avec l’Italie se dessine, un passage entre deux sommets, le Col Agnel apparaît au détour de la route. Focalisé sur cet objectif, nous aurions pu passer à côté du sentier de Rouchas Frach, du belvédère à Notre-dame-du- Berceau, et, sur le côté, un peu haut dans le paysage, de l’Observatoire du Pic de Châteaurenard, qui joue de la pureté du ciel de Saint-Véran pour observer les astres… mais la pureté, ça ne se voit pas, justement.

Nous doublons un cycliste, puis deux… apparaît le refuge Agnel, presque neuf, doré dans cette fin de journée automnale. Car le Col Agnel, ce sont aussi deux faces d’une même pièce : côté été, un balai de voitures, motos, campings-cars, curieux et contemplatifs, sportifs et petites familles qui se bousculent un peu au bord de la route pour admirer le paysage à perte de vue. « Tiens, c’est un peu bouché côté italien » ; Côté hiver, la nature qui reprend ses droits, un espace blanc qui rend tout grandiose, la route qui devient chemin, on glisse, on se ressource autour d’une collation dans une ambiance refuge-du-bout-du-monde. Dans quelques mois, le travail impressionnant des chasse-neige…

Mais savons-nous que dans ce terrain pelé se cachent de multiples trésors ? Allons un peu plus loin que le bout de notre chaussure : au-delà du guidon, dans le rétroviseur, au détour du sentier … des espaces naturels remarquables, sensibles même, mais que nous pourrions abîmer… L’aspect un peu austère des schistes lustrés du Col Vieux, l’ombre magnifique des dalles calcaires acérées du Pain de Sucre et de la crête de la Taillante, l’eau qui ravine, mais qui permet aussi à une vie un peu mystérieuse de croître, pour peu qu’on prenne le temps de s’arrêter la contempler.
La contrebande et les joutes militaires ont fait place à de nouveaux dialogues : un terroir d’artistes, une ouverture sur la frontière comme une ouverture d’esprit… un iceberg rouge dont une autre partie émerge en Italie, comme un trait d’union enfoui sous la barre rocheuse. Car finalement, au Col Agnel, chacun trouvera sa pépite : l’important, c’est de regarder… et de se laisser porter.

 

« Galibier, Agnel, Vars, Izoard, Noyer, Le Département souhaite aujourd’hui faire de ces cols des lieux porteurs des valeurs du Département, dans leur fonctionnement, la qualité des services offerts, leur mise en valeur et dans la valorisation et la préservation de milieux écologiques exceptionnels … »

Un paysage varié

 

Le Col Agnel offre un paysage de haute montagne, à la végétation rase, dominé par les sommets du Pain de sucre (3 208m) et du Pic Foréant (3 081 m), tandis qu’au fond vers l’est, le Mont Viso semble régner en maître du haut de ses 3 841 m ! Le versant de l’Eychassier et des éboulis de Chamoussière cadrent le site de part et d’autre, séparés par la route. De nombreuses zones humides jalonnent le paysage.
Le Col Agnel et sa zone d’influence font partie géographiquement du périmètre du Géoparc transfrontalier des Alpes Cottiennes : les schistes lustrés du col Vieux en constituent un des sites géologiques répertoriés .

Un environnement sensible

Le Col Agnel est support de très nombreux zonages qui tendent à souligner la richesse environnementale du site : ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique) de type 1 et 2 ; ZICO (Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux) ; aires du réseau Natura 2000 ; ENS (Espace Naturel Sensible) ; Réserve Naturelle Nationale ; Réserve de la Biosphère ou encore APB (Arrêté Préfectoral de Biotope). Ses caractéristiques patrimoniales, écologiques et humaines en font un site d’exception.

Le Col comme témoin

Axe de passage depuis l’antiquité, le col a été le lieu de passage de nombreuses troupes militaires. Que ce soit les incursions des troupes du Duc de Savoie, du passage (non établi) d’Hannibal ou encore du chevalier Bayard, tous ont franchi le col Agnel.
Le Refuge Napoléon, aujourd’hui en ruine, fait quant à lui partie des 6 refuges construits grâce à un legs de 50 000 Francs de Napoléon 1er au département des Hautes-Alpes en remerciement de l’accueil chaleureux qui lui avaient réservé les habitants à son retour de l’île d’Elbe. Il a servi de refuge aux voyageurs comme aux militaires.

Une pluralité d’usages

 

Cyclotourisme : un col hors catégorie

Le col Agnel, bien qu’un peu à l’ombre de son concurrent direct l’Izoard, est bien connu des cyclistes. Ces caractéristiques en font un col hors catégorie ayant notamment motivé le passage du Tour de France (2008, 2011). Depuis, une opération « Cols réservés » est organisée tous les ans par l’Agence de développement des Hautes-Alpes. Les cyclistes peuvent aussi télécharger une appli dédiée « velo05″.

Toutes les randonnées

C’est l’activité de prédilection au Col Agnel, que ce soit en itinérance, en randonnée ou en ballade : GR58 « Tour du Queyras », Col Vieux (2 806 m), offrant une vue splendide sur le lac Foréant et le Pain de sucre ; l’ascension du Pain de sucre (3 069 m) ou le GRP « Tour du Pain de sucre », le Tour du Viso ou la randonnée vers le col de Chamoussière (2 884 m).

Visage d’hiver

Le Col Agnel est fermé à la circulation dès les premières neiges après le hameau de Fontgillarde, au Pont de Lariane. Par contre, la route est damée régulièrement jusqu’au Col à 7,5km permettant des pratiques nordiques (raquettes, ski de fond, chien de traîneau).

Le refuge Agnel, central

Refuge privé de 80 places, situé à 2 580 m d’altitude à 2 km du col lui-même, le Refuge Agnel est une des seules marques visible de l’activité humaine du secteur. Rénové en 2007, il accueille environ 4 000 personnes à l’année en 1/2 pension : 75% l’été (mi-juin à mi-septembre) et 25% l’hiver (quelques jours au nouvel an et fin janvier à mi-avril).

 Activité pastorale

Le Col Agnel est aussi un lieu d’activité pastorale : un troupeau d’environ 2 000 moutons y séjourne une dizaine de jours par été ; 200 bovins sont en estive entre Fontgillarde et le refuge du 1/7 au 1/10 environ.
Ils contribuent au modelage du paysage.

Un petit bout d’Arctique

Lors des dernières glaciations, les fronts des glaciers du Nord de l’Europe ont poussé devant eux jusqu’à nos latitudes plantes et animaux des zones arctiques. Le Lagopède alpin, le lièvre variable et le jonc arctique ont survécu dans des vallons alpins, ici celui de Bouchouse à proximité du col.

Zones de synergie

Le Col Agnel est bien plus rapidement accessible côté français que côté italien.
Dans le cadre d’excursions à la demi-journée ou journée entière, il est facile de l’atteindre (<45 minutes de voiture) pour des personnes résidant dans une zone englobant le Parc Naturel Régional et la commune de Guillestre.
Le potentiel touristique est donc intéressant à cette échelle.

Un col accessible

L’accessibilité naturelle du site en voiture offre à tous les types de visiteurs un accès direct à la haute montagne et ses caractéristiques paysagères, sans effort.
Accessibilité cependant limitée en termes d’usage, de lecture et de compréhention des espaces qui demandent à être valorisés via de simples outils liés à la signalétique et à l’interprétation.

Autour du Col Agnel

– Le village de Saint Véran, plus haute commune d’Europe, un des plus beaux villages de France. Observatoire du Pic de Châteaurenard
– Le sentier de découverte de Rouchas Frach, sentier qui suit l’ancien canal d’arrosage
–  A Molines-en-Queyras : musée de l’abeille, artisanat d’art, produits locaux, passage du GR58, hameaux de Pierre Grosse et du Coin, héber-gements et restauration
– Domaines Skiables du Queyras, Maison de l’artisanat, Chateau Fort du Queyras…
– Chianale (Italie) : rivière Varaïta, pont en pierre

Le col Agnel, un lieu à préserver

– Le Col Agnel est un lieu très accessible, mais il est tout, sauf … une autoroute ; un lieu à vocation de tourisme mercantile de masse ; une réserve sous cloche ou un terrain de jeu bruyant et agité … un lieu de passage uniquement.

-Il est au contraire un élément majeur du territoire, au centre d’un écosystème d’une grande valeur. C’est un espace naturel et paysager remarquable, en altitude, dont il est nécessaire de mieux expliquer le patrimoine et les enjeux au public ; un lieu de découvertes multiples et d’étonnement, de qualité, qui attire par ses valeurs intrinsèques.

– Enfin, il est depuis toujours un lieu d’échanges multiples, pour lequel il convient d’alimenter les nouvelles formes de coopération et de dialogue : culturel, artistique, professionnel (élevages, environnement), Géoparc ou Réserve de la Biosphère, etc…

Perspectives

La nécessaire adaptation des équipements et structures du col Agnel doit donc mener au respect de ses multiples patrimoines, pour tous les usagers du col, dans un soucis de qualité et de valorisation. Le Col Agnel fait partie intégrante d’un dispositif de développement territorial plus large dont il est une des pièces.